Histoire du Bager D'Oloron

L'histoire du Bager par Christian Yvart



Un récapitulatif sur l'histoire du Bager réalisé


par le secrétaire de l'ACCOB Christian Yvart


Le Bager au travers de l'histoire

Le Bois du Bager et ses rapports avec la ville d'Oloron


Étymologie : Bager du béarnais baxa (pente) ou de baig qui veut dire vallée.
La montagne du Binet a été dénommée Baig gran ce qui a donné Bat gran puis Betgran.
Les coteaux d'Herrère s'appelaient Bager de deça (au-delà du gave).


Le Bager d'Oloron s'étend sur les pentes du Mailh Arrouy, il y court jusqu'au sommet ; dans la plaine, il est bordé par le gave d'Aspe et celui d'Ossau. En débordant vers l'est c'est le Bager d'Arudy, en franchissant le gave d'Ossau, il devient Bager d'Herrère et s'étend sur une plaine résultant d'un ancien lac au confluent des vallées glaciaires d'Aspe et d'Ossau.

On y accédait autrefois par l'ancienne route d'Espagne « Chemin d'Espaigne » qui court sur la rive droite du gave d'Aspe, en passant par Soeix et Eysus et qui mène à l'ancien hospice Sainte-Christine recevant les pèlerins du chemin de St-Jacques, hospice devenu Thermes de Saint-Christau.

Depuis des temps immémoriaux, les forêts béarnaises sont la propriété des communautés d'habitants. C'est au Xe siècle que le régime féodal s'installe en Béarn et qu'une partie des forêts passèrent dans les fiefs des souverains ou des seigneurs qui dans bien des cas, les affiévèrent.*

A cette époque, la forêt, sauvage et riche de ressources, n'était pas gérée. Elle était pillée. Les pâturages, étaient considérés comme biens de valeur, pas les bois qui se dégradaient.
En réaction, les seigneurs et les communes en interdirent l'accès aux étrangers. (amendes et prohibitions des fors de 1288 et 1552).
A cette époque apparût la jachère forestière avec la mise en défends ou vette (du latin veto qui donna bedar (défendre) et bedat (défendu)), de certaines parties de la forêt pendant un temps plus ou moins long, lui laissant le temps de se régénérer. Un début de gestion apparaît à la même époque ou on recommande de couper les arbres et non de les arracher (coupe de haut taillis) ou arbres replantés en haute tige pour ne pas interrompre le pâturage des troupeaux : la paissance.

Le for d'Oloron (1080) donne des privilèges à ceux qui viendraient repeupler la ville qui venait d'être détruite par les Normands. Parmi ces privilèges, le droit de paissance dans tout le Bager actuel. S'y ajoutent les droits d'exploitation du bois, en indivision, pour les communes d'Oloron, Soeix, Eysus et Lurbe, mais seulement sur la rive gauche du gave d'Ossau, le seigneur de Lescun avait donné, pour sa part, les mêmes droits à Oloron, Herrère Escout et Escou sur la rive droite.

Au XVe siècle, (cartulaire d'Oloron 1472), le Bager continue d'être pillé, de nombreux troupeaux broutent les jeunes pousses, Les chênes sont écorcés pour en extraire le tanin, on pratique le soutrage immodéré (fauchage en sous-bois des herbes, fougères mais aussi des arbrisseaux et enfin ratissage des feuilles mortes) on dut élire des gardes (bosquers ou forasters)  mais c'était leur famille, leur voisin qui venaient exploiter la forêt, aussi, trop proches de la population , ils furent peu efficaces.

A la fin du XVIe siècle, les princes de Béarn, reprirent leurs droits de propriétaires, profitant de la multiplication des conflits dûs à l'exploitation en indivision.

En 1582, le Conseil du Béarn arrête que la forêt du Bager et le Binet sont propriétés du Prince (le futur Henri IV) et que les habitants d'Oloron, Soeix, Eysus et Lurbe n'en ont qu'un droit de paissance. Ces territoires sont mis à l'affièvement* au plus offrant. Les quatre communes attaquent en justice et perdent (1585). Sautant sur l'occasion, les communautés de la rive droite font des offres et emportent le marché (1590).
le Roi Henri IV, ayant des ennuis d'argent, Oloron, Soeix, Eysus et Lurbe contre-attaquent et offrent une somme de 12 000 francs plus 10 écus annuels déductibles d'une vieille dette que Jeanne d'Albret avait contractée en 1593 auprès de la ville d'Oloron.
Le bon roi Henri accepta et le contrat d'affièvement* est passé pour une exploitation toujours en indivision.

La forêt, surexploitée, est toujours dans un triste état.
Les jurats d'Oloron qui durent payer 400 livres d'amende au commissaire royal de Louis XIV pour mauvaise gestion des bois, rédigent, en 1667 , un règlement pour le Bager (code forestier du 28 avril) qui organise d'une manière détaillée et précise la conservation de la forêt,  le pâturage du bétail, l'exploitation des fours à chaux et la surveillance par des gardes assermentés.
Les quatre communautés percevaient des impôts et redevances sur les produits qui sortaient de la forêt et affermaient les taxes sur les marchandises. Il y eut donc à Oloron, à partir de 1667, un fermier des tributs du Bager. Cette charge rapporta fort peu aux communautés.
 
La forêt s'appauvrissait toujours, surexploitée, mal surveillée. Les communautés proposèrent d'acquérir le Bager. Le roi accepta en 1692.

En 1743, un arpentage général est fait.
En 1749, le bois est aménagé et divisé en 25 coupes annuelles de 88 ha, mais, les parcelles sont de qualité inégale, certaines sont situées sur les flancs rocailleux du Binet. Aussi, certaines années le bois et de charbon de bois manquent.

La période révolutionnaire est troublée, le bois et le charbon sont réquisitionnés. Le Bager est dévasté. En 1814, lors d'un conseil municipal à Oloron, on parle « ….d'état de destruction de la forêt qui devient chaque jour la proie de dévastateurs.... ». le Bager ne produit plus de ressources. La population s'en détourne. Les troupeaux y paissent de moins en moins, les coupes se raréfient. Mais cette situation met la forêt au repos et la régénère.

En 1839, M. Abel, maître de forges installe, à Soeix, une tréfilerie et une forge industrielle qui nécessitent de brûler beaucoup de charbon de bois. Il  passe alors contrat avec la ville d'Oloron pour son approvisionnement. Les quatre communautés en profitent pour organiser une exploitation raisonnée et régulée de la forêt qui porte ses fruits : en 16 ans, les ressources tirées de la vente de bois triplent.

En 1857, l'indivision de propriété du Bager prend fin. Le territoire est divisé en 9 parts. Soeix ayant fusionné avec Oloron depuis 1793, la ville en obtient 7, Eysus et Lurbe une part chacun.

Au début du XX° siècle, la forêt du Bager, bien administrée est florissante et est une source importante de revenus pour l'ensemble de la population.
C'est après la première guerre mondiale que l'entreprise Lombardi-Morello s'installe à Arudy, à la suite de la signature d'un contrat de coupe de un million de mètres-cube sur toute la chaîne pyrénéenne. Ce sont des entreprises privées qui exploitent le bois. Elles employaient des bûcherons béarnais, basques, espagnols et italiens. Certaines entreprises se spécialisaient dans l'équipement des chantiers : celle de Jean-Baptiste Mazza était spécialisée dans le débardage par câbles, moyen écologique et non destructeur de l'environnement, d'amener les billes de bois au bord des sentiers où elles étaient reprises par des équipes de muletiers.

Depuis la seconde guerre mondiale, les Eaux et Forêts, puis l'ONF, surveillent la forêt et sont en charge du marquage des coupes, d'abord vendues aux enchères descendantes puis à un prix forfaitaire. La replantation suit les coupes claires.

De nos jours, chaque année, il est proposé aux Oloronais d'acquérir, pour un prix avantageux, une coupe de bois dans les bois communaux, à charge pour eux d'évacuer le produit de la coupe et de l'utiliser pour leur usage personnel. C'est une survivance des temps anciens où, les communautés avaient le privilège de l'exploitation d'une partie des communaux, et où les habitants avaient en usufruit des parcelles qui leur étaient dédiées et dont ils n'avaient pas la propriété. Cette tradition a été respectée jusqu'à nos jours et si il y a une trentaine d'années, la municipalité d'Oloron n'a plus donné suite à cet avantage, son souvenir est encore bien vivace dans l'esprit des habitants de Soeix.
La disposition a été oubliée, mais rien ne dit qu'elle est  perdue.

Le Bager est encore, de nos jours, exploité pour son bois, et il est LE bois d'Oloron et du Haut-Béarn. On y voit des dizaines de voitures immatriculées dans tout le Sud-Ouest. La fraîcheur des sous-bois et l'abondance des champignons ont une répétition bien connue.

La forêt du Bager, havre de calme et d'activités de détente est un endroit à protéger. L'exploitation à des fins privées s'est limitée à des coupes temporaires, activité durable qui ne prend que les intérêts du capital sans l'entamer.

Un dernier mot sur la chasse. C'est une activité traditionnelle qui se perpétue encore d'une manière vivace. L'ours était encore récemment au Bager. Un journal paroissial de Lurbe signale qu'en 1914, un de ces grands mammifères y a été abattu.
En 1956, une réintroduction de cervidés a été tentée. Ils s'acclimatèrent si bien qu'en proliférant, ils commirent des dégâts de plus en plus importants. Il fallut organiser des battues pour en limiter le nombre et depuis 1978, les cerfs ont disparu du Bager.

* affièvement : acte par lequel un suzerain loue à long terme, une terre en fief à un vassal qui lui rend hommage moyennant le paiement du cens.



                                                                                                  Christian Yvart



Bibliographie :
- la ville d'Oloron et sa forêt du Bager  - Pierre Buffault  - librairie de l'Université – 1907
- forêt du Bager – atelier de mémoire collective de La-Haüt - 1998

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Xe siècle à nos jours.
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